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— En révisant les épreuves de mon roman, dit Georges — un sentiment de pudeur le retenait d’attribuer à sa vraie cause le trouble où le jetait la lettre de Lucien — je me suis aperçu que je m’étais écarté ou que j’avais été écarté dans mes œuvres de tous les grands sujets.

— Les critiques sont pourtant unanimes à reconnaître en toi un auteur qu’on relit. Et la littérature, selon Bachelard, commence à la seconde lecture.

Les livres de Georges étaient de cette sorte et ne s’adressaient pas aux esprits superficiels et pressés. Il tenait pour plus conforme à son projet d’être relu d’un petit nombre que d’être parcouru par tout le monde.

— Merci, mais le problème va plus loin. Oh ! je pourrais me faire croire que j’ai été retenu par la maladie, la nécessité de mon action au journal, je pourrais… Si je suis flatté que d’autres puissent me trouver de telles excuses, on ne peut tout de même pas me demander d’en être dupe.

— Mais le problème ne te concerne pas seul. Les écrivains auraient dû avant aujourd’hui, jouer un rôle public, influencer la pensée… Il n’en est rien. Pourquoi ?