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Georges et Paul, alertés en même temps que le médecin et le Curé, arrivèrent les premiers et lui fermèrent les yeux. Le front était encore tiède. C’était l’été, la veille de la fête de sainte Anne, à qui Mme Hautecroix vouait un culte.

La vie nous éloigne bien plus des êtres que la mort. Quand Georges savait qu’il pouvait à tout moment rendre visite à sa mère, sa proximité même le distrayait de penser à la voir. D’ailleurs, n’était-elle pas immortelle ? Et tout à coup, elle n’était plus. Il aurait voulu qu’elle continuât de vivre en lui comme aux plus belles journées de naguère. Et il se surprenait, en se rendant à B… pour y faire chanter une messe anniversaire, à penser : « Cela ferait plaisir à maman ».

M. Hautecroix qui, à sa manière, aimait sa femme infiniment, prenait plaisir à dérouter les parents qui se pressaient pour lui présenter leurs condoléances. Il s’ouvrait à eux de ses projets de voyage.

— Vous devrez maintenant renoncer à tout cela, lui disait-on.

— Non, non, seulement, je les réaliserai seul.

L’embarras de ses interlocuteurs le ravissait. Tel était l’homme. Il se laissait aller à