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M. Hautecroix dominait tout. Et il était typique de leurs relations, pensait Georges, que sa femme eût profité de son absence pour mourir. Cette année-là, l’écrivain passait ses vacances dans les Laurentides. Il campait en plein bois, au bord d’un lac inaccessible en voiture, où son frère Paul l’avait rejoint, après des heures de marche, pour lui annoncer que leur mère allait être opérée. Quelque temps auparavant, elle avait donné un témoignage indirect de son affection pour son aîné. Transportée à la ville, à la suite d’une rechute, elle avait fait promettre à son mari de la ramener pour les vacances de Georges. Et elle était restée jusqu’au bout de ses forces dans le jardin, parmi les fleurs qu’il cultivait pour elle.

Le jour de sa mort, ayant senti un regain de vitalité, Mme Hautecroix avait renvoyé son mari, qui se tenait nuit et jour à son chevet, sans prendre de repos, en disant :

— Un peu d’exercice te fera du bien.

Il venait à peine de refermer la porte qu’elle fit un geste de détresse. Sa fille s’approcha, elle était morte.