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Georges n’avait rien dit. Un reste de jansénisme l’empêchait de prendre part aux entretiens de ce genre autrement que par un sourire ou quelque remarque anodine.

Ma femme, mes enfants absorbent-ils trop de mon temps ? détournent-ils de mon œuvre une trop grande part de mon énergie ? Il souffrait surtout de manquer de contact avec les gens de son métier. Au journal, c’était différent. Mais il ne discutait pas d’égal à égal ; il était le patron, l’homme mûr qui dominait la conversation. Ou encore le juge qu’il fallait se concilier. Il manquait d’amis, de relations mondaines et commençait à le sentir cruellement. « Je tournais bien le compliment autrefois, pensa-t-il, maintenant, je me laisse flotter dans une indifférence dont il est difficile de me sortir ». Ses pensées tournaient au réquisitoire.

Il éprouvait subitement le désir d’entendre parler des êtres jeunes, de s’intéresser à leur vie. Était-il temps encore ? Ne risquait-il pas de chagriner inutilement les siens ? Sa conception de la fidélité découlait de l’idée que la chair crée un lien éternel entre les êtres. Il y avait une extraordinaire continuité aussi bien dans sa vie que sans ses livres. Il ne s’engageait pas à la légère, mais une fois engagé