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Après la mort de Sylvie, commença pour Georges le véritable amour sans réticences, sans arrière-pensées, sans entraves, sans retenue. La chair alors et la société ne faisaient plus obstacle au don entier, absolu… Dans sa mémoire, toutes les heures vécues avant de connaître la jeune femme ou passées loin d’elle durant les quelques mois de leur liaison perdaient toute précision, toute couleur — îles flottantes que la passion avait submergées — parce que la jeune femme n’en faisait pas partie. D’autre part, Sylvie revivait dans tout ce qu’il faisait. Les quelques semaines de leur amour allaient proliférer au point de remplir sa mémoire de leur végétation, puis son âme même.

Il mit du génie à réunir, non seulement les menus objets personnels de la jeune femme, mais également quelques-uns de ceux qui, dans les endroits publics, l’avaient intéressée et qu’il pût, à prix d’or, se procurer. Il renoua avec ses anciennes amies. Le petit groupe de parasites, cependant, ne lui apprit presque rien. Sylvie n’existait déjà plus pour ces gens sans attache et sans mémoire. Colette, qui le tenait secrètement responsable de la mort de sa fille, ne lui fut d’aucun secours. D’ailleurs, elle non plus ne pensait presque pas à la dé-