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cevait de loin le mari de cette actrice, un courtier en valeurs chez qui il transigeait parfois des affaires, il pensait aussitôt à lui demander : « Comment vont les affaires ? » renouant ainsi dans l’esprit de son interlocuteur un lien détendu par l’absence, établissant mieux que la simple salutation ou les échanges de questions au sujet de la santé, une relation de second degré de connaissance. Il fut étonné de suivre de telles pensées en attendant sa maîtresse.

Il n’avait aucune raison de redouter que la jeune femme, qui désirait autant que lui ce voyage, pût lui faire faux bond. Mais les minutes passaient. Elle aurait dû être là. L’arrivée d’un importun, une visite imprévue de Colette avaient pu la retarder. Il s’enferma dans une cabine, composa le numéro de l’appartement et attendit. Au bout de la ligne, il crut entendre le son du cornet qu’on soulève, puis rien. Son cœur se serra. Il comprit soudainement qu’elle ne viendrait pas, qu’il ne la reverrait plus.

Il monta seul dans l’avion, espérant encore jusqu’au moment du décollage. La pensée l’avait traversé de décommander son voyage, de courir à la trace de la jeune femme disparue. Mais pourquoi ? Sans doute avait-elle été