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— Complètement.

— Rien ne me retient non plus.

La passion avait chassé Jeanne de ses préoccupations. Dans la rue, des intimes parfois s’informaient de sa femme, quelques-uns avec une pointe d’ironie dans la voix, les autres, sincèrement :

— Que devient Jeanne ?

— Elle est toujours à la campagne avec les enfants dont les cours ne reprennent qu’en octobre.

Jeanne avait choisi le silence. Sans doute, l’éloignement rendait-il sa situation moins pénible. Mais à la rentrée qu’arriverait-il ? En attendant, elle était hors de la portée des fanatiques, oubliée de Mayron.

Il commença sur un bout de papier le brouillon de la lettre qu’il voulait lui adresser pour la prévenir de son départ avec Sylvie et consommer définitivement la rupture avec son passé. « Quand tu liras ces lignes, Jeanne, j’aurai mis fin à une longue imposture et tu seras libre de refaire ta vie. » Il ne croyait pas un mot de ce qu’il venait d’écrire. Comment Jeanne pourrait-elle refaire sa vie ? Je devrais me sentir accablé, pensa-t-il, mais ce que je ressens c’est presque de la joie. Pourtant il n’avait pas cessé d’aimer sa femme. « Ce que