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fouet de cette décision avait secoué sa torpeur. Un voile se levait de son âme et il regardait la vie comme un homme qui a exorcisé un démon. « Au moins ainsi, se dit-il, tous les ennemis sont du même côté. »

Avant de s’attaquer à son article, Georges descendit mettre Brouillé dans un taxi. Quand ils atteignirent le trottoir, les séides de Mayron avaient vidé les lieux.

— Mon pauvre Brouillé, dit Georges, devant la portière du taxi, je regrette d’être la cause de ce qui vous arrive. Si je puis quelque chose… n’hésitez pas à me le dire.

— Merci, patron, je suis content d’avoir pu vous être utile. Mais, vous savez, Mayron m’a rendu service à moi aussi. Avant que ses assommeurs ne commencent à me frapper, j’avais peur, puis j’ai encaissé les coups avec le sentiment que j’étais plus fort qu’eux. C’est assez étrange ce qui s’est passé. Pendant qu’on me frappait, ma conscience photographiait chacun des meubles, la disposition des objets, aucun détail ne m’échappait, rien ne me paraissait indifférent. Je me disais : Dans une heure, les clients vont arriver, ils vont s’asseoir à ces tables sans se douter de ce qui s’y est passé cet après-midi. On pourrait me tuer, personne ne s’en apercevrait. Les gens conti-