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incident de ce genre, un mécontentement, une insatisfaction de soi, un mépris de son inaptitude à défendre ses droits sous le fallacieux prétexte que l’erreur est minime et qu’il s’agit bien d’une erreur involontaire, mais en réalité par pusillanimité. Pendant qu’il marchait dans la rue, les idées mises en branle par l’incident poursuivaient leur chemin et tout à coup, il se rappela que l’erreur c’était lui qui l’avait faite, ou plutôt ne l’avait pas faite puisqu’il s’était abstenu de protester contre ce qu’il croyait alors une injustice et qui venait d’un oubli de sa part. Le malaise qui avait ébranlé sa sensibilité provenait donc d’une autre cause : d’une méfiance engendrée par la lutte de son parti contre les Juifs. Il était heureux de ne s’être pas laissé aller à sa première impulsion et d’avoir ainsi évité de provoquer une scène qui n’eut pas manqué de le couvrir de ridicule.

Depuis quelque temps, la violence triomphait sous les formes les plus répugnantes : attaques nocturnes contre les Juifs, vandalisme, coups de mains, voitures lancées à toute allure, échauffourées, autobus renversés, coups de feu en pleine rue. Des citoyens avaient été battus en plein jour. La ville connaissait un régime de terreur.