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d’une connaissance qu’il n’éprouvait aucun plaisir à saluer. Maintenant, beaucoup de gens sur son passage s’appliquaient à détailler le contenu d’une vitrine.

Dans un restaurant où il avait sa table, le petit Juif préposé à la rôtisserie, n’avait plus à son égard la même attitude. Il paraissait avoir pris Georges en aversion. Il n’osait le traiter mal parce que son patron s’arrêtait chaque fois à sa table pour bavarder un moment, mais il restait hostile, le regard en-dessous. N’ayant rien à se reprocher, Georges, se fit un point d’honneur d’amadouer le cuisinier. À la visite suivante, il le salua ostensiblement. L’autre baissa les yeux, interdit, et l’écrivain crut avoir commis une maladresse en feignant de ne pas remarquer son hostilité et en passant outre. Mais deux jours plus tard, le cuisinier lui rendit son salut, un peu timide, de nouveau aimable.

Quand la caissière lui remit sa monnaie, d’un petit geste retenu, presque furtif, il eut l’impression d’être trompé, mais en même temps, très nettement, l’impératif lui vint de ne pas protester. Sa tranquillité d’esprit valait bien ce léger sacrifice. Tant pis si la note se chiffrait par quelques sous de moins ! Il éprouvait ce léger malaise qui vous reste après un