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Les mouvements nationalistes étaient d’abord des révoltes. Les chefs parvenaient à entraîner les masses à l’occasion d’une loi impopulaire, comme la conscription, mais cela ne durait guère. Ils n’avaient jamais eu le pouvoir. La plupart d’entre eux ne l’attendaient plus. Et es doctrinaires, comme Georges, restaient isolés. Ils ne savaient pas toucher le peuple mal identifié, mal connu, qui ne croyait pas en lui-même et laissait aux étrangers le soin de le définir…

Engagé dans le parti dès sa jeunesse, Georges avait mené la lutte joyeusement, sans un regard en arrière. Il avait suivi Carrel dans des actions politiques quand son instinct lui disait qu’il eut mieux valu rallier le peuple autour de grandes actions. Maintenant, trahi par le député, il s’alliait aux jeunes. Il essayait de croire — en dépit de son expérience — que les rêves, les désirs, les projets échevelés qui avaient soutenu sa foi pendant vingt ans trouvaient enfin un climat propice et allaient se réaliser.

Ce jour-là, un mot laconique de M. Guilloux apprit à Georges que Lucien n’en avait plus que pour quelques jours et qu’il avait manifesté le désir de voir son ami une dernière fois.