17 tarder, Vigny commença ses visites académiques, singulière odyssée où l’amour-propre du poète eut souvent à souffrir (1). S’il fut justement touché d’entendre ses propres vers récités par le vieux Baour-Lormian, aveugle et souriant, il apprit, dans l’antichambre du philosophe Royer-Collard, que parfois les vieillards ne pardonnent pas aux jeunes de les faire oublier. Eloa, Cinq-Mars, Stello, qu’importait tout cela à un homme qui disait avec ironie : « Je ne lis rien de ce qui s’écrit depuis trente ans ! » Sa visite à Chateaubriand fut peut-être encore plus cruelle, car là il sut combien redoutables étaient ses concurrents : « M. Pasquier n’a rien de commun avec les lettres, avouait l’illustre vieillard; mais je le connais depuis quarante
étant mort peu après (3 novembre 1818), ne prononça pas son dis-
cours de réception. Ce fait ne s’était produit encore qu’une fois,
en 1776. pour Colardeau, et il ne s’est pas renouvelé. Je ne compte
pas, bien entendu, Chateaubriand et M. Emile Ollivier qui, pour des
considérations politiques, ne furent pas admis à prononcer de discours
de réception.
(1) Vigny a eu soin de conserver les détails de ses visites. M. Ra-
tisbonne a publié, dans leJournal d’un poète, quelques-unes des
notes de Vigny à ce sujet. Le récit de la visite à Royer-Collard est
des plus piquants. On le trouvera aux Pièces justificatives, n°III