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la servitude ; toute émulation serait éteinte, toute pensée libre serait un crime ; et peu à peu, l’instruction, qui par sa nature doit éclairer, bientôt dégénérée dans la main de quelques instituteurs timides, façonnerait toute une génération à l’esclavage.

On ne doit pas perdre de vue (et le plus grand éloge qu’on puisse faire du Gouvernement actuel, c’est de pouvoir énoncer cette vérité) que tout Gouvernement tend à une domination arbitraire : l’instruction seule remet continuellement sous les yeux du peuple ses droits et ses devoirs : elle est donc le vrai et le seul correctif ou régulateur de la tendance naturelle du Gouvernement vers le pouvoir absolu : mais, le jour où le Gouvernement pourra la diriger, elle perd son principal caractère ; elle devient dans ses mains, un moyen puissant de servitude ; et loin de contre-balancer la propension trop prononcée du Gouvernement vers la tyrannie, elle l’y précipite.

Conservons donc l’indépendance de l’instruction : elle sera la sauve-garde de la liberté ; et avec les dispositions et les intentions dont le Gouvernement actuel est animé, elle en fera toute la force.