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travail et en leur faisant apprendre un métier qui, à leur sortie, assurait leur existence.

Je ne puis pas me refuser à faire connaître un fait qui, mieux que tous les discours, prouvera ce que peut le travail : au lieu de se borner à donner quelques notions imparfaites de métaphysique aux nombreux sourds-muets de l’école de Paris, je crus devoir leur apprendre des métiers et j’y établis des ateliers de tailleur, de cordonnier, de graveur, d’imprimeur, de tourneur, etc., dans lesquels je répartis tous les élèves ; les progrès furent rapides, au point qu’en peu de mois on y confectionnait les habits et les souliers de tous les lycées de Paris, et que le ministère de l’intérieur n’employait presque pas d’autre imprimerie que celle des sourds-muets.

Un événement inattendu me présenta l’occasion de faire un essai dont le résultat fut heureux : cinq hommes furent saisis, à deux heures après minuit, vidant une boutique dans la rue Montmartre ; dans le nombre se trouvait un sourd-muet, robuste, âgé de dix-huit ans ; tous furent condamnés à vingt ans de fers. Je demandai le sourd-muet à Napoléon pour le placer aux Sourds-Muets dans l’atelier des cordonniers. Quelques mois après, je fus visiter la maison et demandai des nouvelles de mon sourd-muet. On me répondit que c’était le plus fort travailleur de l’atelier, et que sa conduite était exemplaire. On ajouta qu’il faisait régulièrement trois