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alors d’organiser l’école de médecine de Montpellier. Je m’y nommai professeur de chimie et présentai ma démission de ma place dans l’administration ; je rendis mes comptes et prouvai qu’en onze mois on avait fabriqué en France vingt-deux millions de livres de salpêtre et six millions de poudre, résultat extraordinaire auquel la postérité aura de la peine à croire.

J’avais trouvé le moyen de concilier ces fonctions avec celles de professeur de chimie appliquée aux arts à l’École polytechnique, qui venait d’être créée. J’avais été nommé peu de temps après mon arrivée à Paris. Mon cours eut un succès prodigieux. Aucun des nombreux élèves de cette époque n’a oublié une circonstance qui fit alors une grande impression. Un jour, en récapitulant les découvertes qu’on avait faites en chimie depuis quelques années, je terminai par ces mots : « C’est au célèbre, c’est à l’infortuné Lavoisier que nous devons toutes ces découvertes. » Une explosion générale partit de tous les coins de la salle. Tous les élèves agitaient leurs chapeaux avec enthousiasme ; tous s’écriaient, en présence des autres professeurs assistant à la séance : « Il est le premier à nous en parler. » Ce mouvement sublime ne se calma que cinq ou six minutes après, tant il est vrai que, même à cette époque terrible de la Révolution, on n’avait pu étouffer, dans le cœur de la jeu-