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gration devint générale. J’eusse été moi-même chercher ma sûreté dans les pays étrangers, si l’intérêt de ma famille ne m’eût retenu. Je craignais de la dévouer aux fers, à l’échafaud ou à la misère. J’avais alors de bien puissantes raisons pour fuir ma patrie ; on m’offrait un refuge en Espagne, à Naples et dans l’Amérique du Nord. Le gouvernement de l’Espagne m’assurait 30,000 francs de traitement par an pour y porter mon industrie. M. le chevalier de Bessuya, à son retour de Paris, passa à Montpellier en 1788 pour me porter les propositions du gouvernement de Madrid ; il y resta trois jours pour me déterminer ; il employa même l’influence de M. le comte de Périgord, commandant de la province vers ce temps-là.

L’infant d’Espagne, prince de Parme, depuis roi d’Étrurie, entretenait avec moi une correspondance suivie sur la chimie, qu’il possédait très bien. Il m’écrivit en 1792 ces paroles remarquables :

« Votre Révolution vient de nous apprendre, mon cher ami, que le métier de roi ne vaut plus rien ; jugez de celui d’héritier présomptif. Après y avoir bien réfléchi, je me suis décidé à conquérir mon indépendance et je crois que je puis y arriver en formant des fabriques en Espagne, où elles manquent. Mais je ne puis y parvenir que par votre secours. Venez me trouver, et nous travaillerons ensemble. Mon beau-père nous donnera tous