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surrection générale. On s’arma de toutes parts. Dans cette confusion générale, dans ce débordement de toutes les passions, l’homme sage étudiait le rôle qu’il devait jouer ; il lui paraissait également dangereux, et de rester tranquille au milieu de ces agitations, et d’y participer[1].

Je crus devoir m’abstenir de paraître dans aucune des Assemblées qui furent convoquées à cette époque ; mais lorsque l’Assemblée constituante fut organisée, lorsque j’aperçus dans les discussions les grands talents qui l’honoraient, alors je crus qu’on se bornerait à établir une bonne constitution, à détruire des abus et à porter le corps politique au niveau des lumières du siècle. J’entrai donc dans l’assemblée populaire, ou club de Montpellier, et je ne tardai pas à y jouir d’une grande influence. On disputait, on raisonnait encore, on pouvait approuver ou condamner une opinion émise, une mesure arrêtée ; il était permis de ne

  1. Chaptal écrivait, le 2 octobre 1789, à Mlle Montialoux, de Mende, une lettre qui indique bien son état d’esprit à ce moment : « La révolution qui s’effectue est une belle chose ; mais je voudrais qu’elle fût arrivée il y a vingt ans. Il est fâcheux de se trouver dessous, quand on démolit une maison, et voilà notre position. Nos enfants jouiront, et ils ne pourront pas nous accuser d’avoir pensé plus à nous qu’à eux : c’est ce qui me console. Le clergé et la haute noblesse sont déchus de leurs prétentions, l’égalité primitive rétablie ; la vertu, le talent, feront seuls les distinctions ; le pauvre cultivateur respirera enfin, et l’homme le plus utile sera aussi l’homme le plus considéré : voilà sans doute une belle spectative ; mais elle ne sera effectuée que tard, et c’est le seul de mes chagrins. »