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dans la conversation, mais ce n’était jamais que dans les discussions qu’il développait ces qualités. Il était même très éloquent quand il était animé ou lorsqu’il voulait faire prévaloir une opinion. Je lui ai entendu tenir plusieurs propos qui feraient la fortune d’un homme d’esprit.

Un jour, Fontanes prenait le parti d’un ouvrage de M. Molé que l’Empereur critiquait. Fontanes, pressé par la dialectique serrée de l’Empereur, finit par dire qu’on devait avoir quelque indulgence pour des noms qui avaient de l’illustration : « Ah ! monsieur de Fontanes », répondit l’Empereur, « laissez-nous au moins la république des lettres[1]. »

  1. Fontanes n’était pas toujours, vis-à-vis de l’Empereur, en reste d’esprit, et cette anecdote m’en rappelle une autre qui en est comme la contre-partie. On venait de jouer Britannicus sur le théâtre de Saint-Cloud, où Talma avait paru avec sa supériorité ordinaire ; il y avait cercle dans la galerie après le spectacle.
    J’étais à causer avec Fontanes dans un coin, lorsque l’Empereur nous aborda : « Eh bien, Fontanes, dit-il, j’espère que vous avez été content de Talma ? — Sire, répondit Fontanes, j’ai vu Lekain. — Voilà comme vous êtes, répliqua l’Empereur, toujours les anciens ! — Sire, je vous abandonne César et Alexandre, mais laissez-moi Lekain. »