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chimie ; cependant le phlogistique n’était pas encore banni ; on le pliait aux explications des nouveaux faits, et c’est dans cette doctrine que j’ai fait mon premier cours[1].

Je travaillai à la chimie avec une ardeur incroyable pendant six mois, je répétai toutes les expériences avec soin, et me livrai à de nouvelles recherches : après ce court intervalle, je crus pouvoir livrer au public un petit volume de Mémoires[2], dans lesquels je faisais connaître quelques faits

  1. M. de Humboldt, qui passait par Montpellier, pour se rendre en Amérique, voulut entendre la parole de celui dont la réputation était déjà si grande. On le vit un jour assister à une leçon de Chaptal.
  2. En 1781. Les Mémoires de chimie sont dédiés à « Messeigneurs les gens des Trois-États de la province de Languedoc ». Ils sont précédés d’un discours où se révèlent une virilité précoce et des aspirations qui contiennent comme le programme du rôle qu’il sera appelé à jouer : Chaptal s’estime heureux d’être placé d’une manière qui lui permette d’être utile. Le choix flatteur dont il est l’objet lui en fait désormais un devoir ; mais, ajoute-t-il avec une noble fierté, « cette douce obligation est si conforme à mes sentiments que mes travaux auront toujours le caractère de la liberté ». Déjà sont confondues, dans l’esprit de ce jeune homme, les préoccupations du savant et celles de l’homme d’État. Pour lui, ce n’est point assez que de rendre la science utile, d’enseigner l’art de tirer parti des richesses de notre sol, de produire des objets nouveaux : il faut ouvrir des moyens de communication entre les diverses parties du royaume et de la province, car « ils influent sur les mœurs, sur la soumission aux lois, et sur le respect pour le prince » ; il faut surtout encourager ceux qui cultivent les sciences, car c’est en protégeant les classes supérieures que les classes inférieures se forment. Il n’y a pas de bons artisans où il n’y a pas de bons artistes, et ceux-ci, dans nos contrées, ne peuvent être fixés ni formés que par les ouvrages publics. Ces paroles sont empruntées à l’archevêque Dillon, dans le Mémoire que l’assemblée des États généraux de la province de Languedoc a délibéré, le 31 décembre 1779, de présenter au Roy, etc.