Page:Chaptal - Mes souvenirs sur Napoléon.djvu/265

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bonaparte. — Moreau me connaît mal ; il veut être jugé ; il le sera[1].

Une autre affaire montre bien chez Napoléon le même besoin de faire plier la justice à sa volonté.

Le maire d’Anvers, M. Verbruck, avait été accusé de dilapidation des deniers de l’octroi de la ville. Il fut renvoyé à la Cour d’assises de Bruxelles pour y être jugé et fut absous à l’unanimité. Napoléon, qui commandait en

  1. Bonaparte n’avait jamais été lié avec le général Moreau. Il y avait eu même interruption de toute communication entre eux. Cependant, je les ai vus dans des rapports assez intimes. J’ai vu, plusieurs fois, Moreau passer les journées entières à la Malmaison, et on eût jugé ces réconciliations sincères.
    Mme Hulot, belle-mère de Moreau, a toujours fomenté la discorde, et elle a brouillé Bonaparte avec le général à l’époque de la cérémonie du rétablissement du culte, de manière à rendre impossible toute espèce de réconciliation. Le premier Consul m’avait ordonné de réserver pour sa femme la tribune qui, à cette époque, séparait, dans l’église de Notre-Dame, le chœur de la nef. J’en donnai l’ordre au commandant, qui y plaça une sentinelle. Mme Hulot se présenta avec sa fille, força la consigne et fut occuper le siège destiné à Mme Bonaparte. Bonaparte s’en aperçut en entrant dans l’église et fut de mauvaise humeur pendant toute la cérémonie.
    De retour aux Tuileries, il m’en parla avec des plaintes ; je me justifiai, mais il n’a plus vu Moreau.