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succéder, la certitude d’hériter d’un nom vénéré et d’une fortune considérable, tout me faisait un devoir de me livrer à l’étude de la médecine.

Je me fis donc inscrire en 1774 à l’école de Montpellier, qui comptait alors parmi ses professeurs les hommes les plus éclairés du siècle, les Leroy, les Barthez, les Venel, les Gouan, les Lamure[1]. Mais l’enseignement y était très mal réparti : Venel, habile chimiste, y professait l’hygiène, et René nous récitait quelques pages de Macquer pour toute chimie ; Barthez y enseignait l’anatomie, et Gouan faisait des leçons sur la matière médicale, de sorte que personne n’était à sa place. Ce vice provenait de ce que, indistinctement pour le concours de toutes les chaires, on donnait à traiter des sujets de médecine, et que, par suite, un simple praticien se présentait pour la chimie comme pour la botanique

  1. « Les leçons éloquentes de Barthez excitaient, dans tous ceux qui l’écoutaient, une sorte de passion pour la physiologie. Entre les mains de ce génie profond la science achevait de se dépouiller de toutes ces fausses doctrines, tour à tour empruntées à une mécanique, à une physique, à une chimie imparfaites. À la vérité, une sorte de métaphysique obscure y régnait beaucoup trop encore ; mais peut-être cette forme métaphysique était-elle aussi un de ces degrés par lesquels la science devait passer avant d’atteindre à cet état positif qu’elle n’a dû qu’aux travaux de Glisson, de Frédéric Hoffmann, surtout de Haller ; travaux à jamais mémorables et qui ont enfin nettement posé le problème physiologique dans l’analyse directe des fonctions spéciales, des propriétés distinctes, de chacun des éléments divers qui constituent nos organes. » (Flourens, Éloge historique de Chaptal, prononcé le 28 décembre 1835, en séance publique de l’Académie française.)