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Proust échoue, bien que couvert de gloire par l’Empereur. La betterave rentre en grâce. Les fabriques françaises sont enfin parvenues à obtenir un sucre à plus bas prix que celui des colonies.

L’honneur de la découverte revient à Benjamin Delessert, un Lyonnais établi depuis 1801 à Passy. Après dix ans d’études assidues et bien conduites, B. Delessert, le 2 janvier 1812, accourt chez Chaptal, le protecteur officiel de la betterave, et lui fait part de son succès. Celui-ci en parle aussitôt à l’Empereur. Napoléon, ravi, part sur-le-champ pour Passy, en emmenant Chaptal. En toute hâte, Delessert retourne à son usine. Quand il arrive, il trouve la porte de sa raffinerie occupée par les chasseurs de la garde impériale, qui lui refusent le passage. Il se fait connaître. Il entre. L’Empereur a tout vu, tout admiré, il est entouré des ouvriers qui l’acclament, et, lorsque Delessert paraît, il détache, pour la lui remettre, la croix d’honneur qu’il porte sur sa poitrine.

On a peine à se figurer aujourd’hui le prestige dont un industriel enthousiaste et épris de son art, comme B. Delessert, jouissait parmi ses ouvriers. À cette époque, une harmonie, qui nous étonnerait maintenant, régnait dans la grande industrie naissante entre le patron et le travailleur. Le premier cherchait beaucoup plus à associer ses employés à ses efforts qu’à faire produire à son usine le plus