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Essai

magistrats, accompagnés d’agriculteurs intelligens et expérimentés, se transportoient dans les divers cantons de vignobles pour juger de la maturité du raisin ; et nul n’avoit le droit de le couper, que lorsque la permission en étoit solennellement proclamée. Ces usages antiques étoient consacrés dans les pays renommés par leurs vins : leur réputation étoit regardée comme une propriété commune. Et malgré qu’un tel usage entraînât quelque inconvénient, c’est peut-être à sa religieuse observation que nous devons d’avoir conservé dans toute son intégrité la réputation des vins de Bordeaux, de Bourgogne et autres pays de la France. On appellera si l’on veut un tel règlement servitude ; on invoquera, pour le proscrire, le droit sacré de propriété de liberté, etc. ; on fera reposer la garantie de l’intérêt général sur l’intérêt du propriétaire. Je n’entreprendrai pas de discuter en ce moment une question aussi sérieuse ; mais j’observerai seulement que l’établissement de tels usages en paroît démontrer la nécessité, parce qu’il suppose des causes qui l’ont rendu nécessaire. J’ajouterai que leur abolition a mis la fortune publique à la merci de quelques particuliers ; que l’individu qui coupe prématurément ses raisins, force ses voisins à l’alternative d’une vendange précoce ou d’une spoliation assurée ; que l’étranger, n’ayant plus de garantie pour ses achats, retire ses ordres, parce qu’il ne