Pour aller partager, libre de tout servage,
Le sort aventureux d’une tribu sauvage,
Qui pliait le genou devant le crucifix.
Les pères algonquins en lui voyaient un fils
Et chérissaient un chef ― le Chef-Blanc. À la chasse,
Il avait l’inlassable adresse de leur race.
Parlant maint dialecte indien, chaque printemps
Il servait d’interprète aux multiples traitants
Qu’attirait sur nos bords le trafic des fourrures.
Et, l’oreille toujours ouverte aux cent murmures
Des ondes et des bois, nuit et jour inspiré
Par la grande nature au langage sacré
Qui fit un immortel du mendiant Homère,
Dans les immensités de notre plage austère
L’aventurier devint poète, et ses chansons,
Qu’il rythmait sur le vol des souples avirons,
Abrégeaient la longueur de ses courses lointaines
Sur les flots orageux et sur les eaux sereines
Où le Progrès devait se frayer un chemin.
La fille d’un sachem avait donné sa main
À ce Laurentien aussi beau qu’intrépide.
L’existence du preux coulait calme et limpide
Comme un ruisseau d’azur, quand, un matin de mai,
En voyage, il apprit d’un trappeur alarmé
Que, prêts à se saisir de la hache de guerre,
Les Iroquois du Nord, victorieux naguère
D’Algonquins qu’ils avaient désarmés et soumis,
Voulaient encor frapper leurs anciens ennemis.
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