Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée

Se cabre, essaie à fuir, cherche à rouvrir son vol,
S’affaisse, de ses pieds égratigne le sol,
Se relève, retombe aussitôt sur le chaume.
Mais il ne tourne plus les yeux vers son royaume,
Et, d’écume mouillant le sillon commencé,
Retenu par le poids du grand bœuf renversé,
Il se tord et se roule à travers la fumure,
Qui salit sa puissante et superbe envergure.

— Tu n’es donc propre à rien, maudite bête ! dit,
Faisant claquer son fouet, le fermier qui bondit,
Tu n’es donc propre à rien, que je ne puis te faire
Aider le bœuf docile à labourer la terre !
Ton premier maître était un misérable escroc. —

Et les coups pleuvent dru du chanfrein au garrot.
Et, pendant que le fouet, claquant, sifflant, assomme
La bête, tout à coup paraît un beau jeune homme,
Qui tient entre ses mains une lyre, et dont l’œil
Étincelle du feu d’un indomptable orgueil.

— Mais perds-tu la raison ? es-tu pris du délire ?
Demande au paysan le porteur de la lyre.
Crois-tu qu’au même joug on puisse sans danger
Lier le bœuf si lourd et l’oiseau si léger ?