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INTRODUCTION

exécutant plus ou moins habile, mais un poète, jamais.

Toutes les bibliothèques du monde ne sauraient faire naître un poète, et probablement parce que la grâce et la pureté sont souvent voisines de l’ignorance, — comme chez les enfants, par exemple, — on a vu des hommes produire, presque sans érudition, de véritables chefs-d’œuvre.

La poésie n’existe pas seulement dans les vers, elle est un souffle qui court à travers toute la littérature d’un peuple.

Ce souffle nous élève de la réalité à l’idéal.

Or, manifestant extérieurement ce que notre esprit peut contenir de divin, la poésie ne mourra que lorsque la nature cessera de donner la réalité et que l’homme ne pourra plus fournir l’idéal.

« La poésie, a dit un grand écrivain, ne peut décroître. Pourquoi ? Parce qu’elle ne peut croître.

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« Il n’y a ni hausse ni baisse dans l’art. Le génie humain est toujours dans son plein ; toutes les pluies du ciel n’ajoutent pas une goutte d’eau à l’océan ; une marée est une illusion, l’eau ne descend sur un rivage que pour monter sur l’autre. Vous prenez des oscillations pour des diminutions. Dire : il n’y aura plus de poètes, c’est dire : il n’y aura plus de reflux. »

Quelle que soit l’opinion de l’auteur que je viens de citer, il est certain que la poésie, considérée dans ses manifestations, ne peut si tôt décroître au Canada,