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INTRODUCTION

Non, certes, ni le commerce ni l’industrie ne peuvent tuer la poésie.

Non, la poésie ne peut disparaître.

Elle est la plus haute et la plus intime expression de la nature humaine, et voilà pourquoi elle est immanente.

Elle est immanente autant que les choses de la terre peuvent l’être, et elle ressemble à l’électricité, dont la flamme apparente ou voilée circule dans tous les éléments, s’élève jusque dans les hauteurs incommensurables de l’éther et descend jusque dans les profondeurs incalculables des océans.

Et tant que Floréal reviendra, à époque fixe, rajeunir et redorer la nature, tant que la brise gazouillera dans les feuilles, tant que les forêts et les eaux chanteront leur grandiose hosanna, tant que la prière s’élèvera vers le ciel, tant qu’il y aura des âmes pieuses pour visiter les tombes, tant qu’il y aura des enfants, des oiseaux, des papillons et des roses, la poésie vivra.

La poésie est née le jour où naquit la vertu, et elle n’existait pas dans le paradis terrestre.

Etant créatrice et refaisant, comme la peinture, les objets qui frappent le regard de l’homme, elle n’habitait pas l’Éden, puisque tout y était la perfection même, que rien ne pouvait y être refait ou transfiguré.

Il n’en faut pourtant pas conclure que le mal soit entré dans le monde pour y créer l’espace occupé