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INTRODUCTION

ont décerné des couronnes et des brevets à ceux qui n’avaient qu’à les leur demander.

Assez longtemps un amas impudent de livres farcis d’anglicismes et d’incorrections de toute sorte a masqué les quelques ouvrages qui font honneur à notre nationalité.

Assez longtemps l’intrigue et la médiocrité ont trôné au-dessus d’incontestables talents dédaigneux de la partisanerie et de la popularité.

Sans doute, il est beau d’avoir pu — dans les conditions où nous nous sommes trouvés après la cession du Canada à l’Angleterre — jeter les bases d’une littérature nationale.

Mais encore faut-il que cette littérature naissante continue à progresser ; et elle ne peut certainement le faire qu’en autant qu’il y aura une saine critique pour l’éclairer et la protéger.

La critique est nécessaire au développement des lettres, comme le soleil l’est à la croissance des végétaux ; et si quelquefois elle est sévère et même cruelle, elle doit l’être à la façon du sécateur qui blesse d’abord l’arbre pour lui faire donner après des fruits plus savoureux et plus abondants.

Mais, m’a-t-on dit, à quoi bon cultiver la littérature dans un pays comme le nôtre ? à quoi bon, surtout, s’occuper de poésie à une époque où elle agonise sous le mercantilisme qui envahit tout, matérialise tout ?

Comme si la poésie pouvait mourir !