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LE LAURÉAT

change, à droite ou à gauche, un mot ou deux, et… crac, ça y est.

Le plus souvent il se contente, pour le vers qu’il veut tourner, de prendre un hémistiche à Victor Hugo et un autre à quelque poète moins connu.

À propos, je ne crains pas de dire que, si quelqu’un avait la patience de chercher dans les ouvrages des poètes modernes tous les hémistiches de droite et de gauche qui peuvent être reconnus dans les vers de M. Fréchette, il pourrait reconstruire presque en entier ses Fleurs boréales, ses Oiseaux de Neige, sa Légende d’un Peuple et ses Feuilles volantes.

Mais M. Fréchette ne s’est pas borné à rendre les idées des autres avec les mêmes expressions, les mêmes rimes, à changer quelques mots dans les vers qu’il convoitait ; il a poussé le sans-gêne — il fallait qu’il fût bien sûr de son public — jusqu’à glisser parmi ses bouts-rimés des vers pris tout ronds à Pierre et à Jacques.

Pour ceux qui seraient tentés de croire que je plaisante — mes affirmations doivent paraître si incroyables — je vais faire incontinent des citations qui ne rateront pas, je ne vous dis que ça :

VICTOR HUGO

L’été, quand il a plu, le champ est plus vermeil,
Et le ciel fait briller plus frais au beau soleil
Son azur lavé par la pluie.[1]

  1. Les Feuilles d’Automne, 6ème strophe de la poésie XVII.