Page:Chapman - Le Lauréat (critique des œuvres de M. Louis Fréchette), 1894.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xi
INTRODUCTION

puisqu’elle ne fait que verser ses premiers rayons aux bords du Saint-Laurent.

Elle ne vient que de poindre à l’horizon de notre pays, et déjà son aurore annonce un astre éclatant.

Et que sera-ce donc quand l’instruction aura pénétré dans toutes les couches de la société et y aura pris son entier développement ?

Que sera-ce quand tout le monde pourra comprendre les beautés de cette langue ?

Il y a cinquante ans à peine qu’a été publiée à Montréal la première revue littéraire, et depuis cet événement que de progrès ont été accomplis !

Les lettres canadiennes ne datent, à proprement parler, que d’hier, et déjà elles nous ont donné un grand poète : Crémazie !

Crémazie était un grand poète, et, malgré l’indigence de ses rimes, malgré quelques lieux communs et quelques inexpériences qui déparent ses vers, il n’y a pas d’exagération à dire qu’il est né aussi bien doué que Lamartine, Musset et Gautier.

Ce qui a manqué à ce Canadien de génie pour atteindre les plus hauts sommets où s’élèvent les rois de la pensée, c’est le milieu ambiant, c’est l’émulation, c’est l’encouragement.

Chacun sait la grande faute qu’a commise Crémazie, et cependant, à cause de l’honneur que ses travaux littéraires ont fait rejaillir sur sa patrie, chacun aussi oublie l’homme que des circonstances malheureuses ont fait choir, pour ne songer qu’au