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DE LA NOUVELLE-FRANCE

M. de Tracy investi des plus amples pouvoirs. Sa mission avait été très efficace. Ayant repris pour le roi possession de Cayenne, occupée un moment par les Hollandais, et rétabli l’ordre aux îles françaises, principalement à la Martinique et à la Guadeloupe, il s’était rendu au Canada, conformément à ses instructions. Droit, loyal, intrépide, et d’une intégrité admirable, M. de Tracy était à la fois conciliant et ferme, et la bonté chez lui s’alliait à la justice. Sa perspicacité naturelle, développée par l’expérience, le rendait très apte à pénétrer les caractères, à discerner les intentions et les mobiles. Son jugement solide savait s’élever au-dessus des préjugés dont plusieurs de ses contemporains subissaient trop souvent le joug. Sa foi était vive et sa piété sincère.

Daniel de Rémy, sieur de Courcelle, occupait le poste de lieutenant du roi au gouvernement de Thionville, avant d’être nommé gouverneur du Canada. C’était un vaillant militaire. Impulsif, franc, prompt à l’action et impatient des retards, il avait les défauts de ses qualités. On pouvait lui reprocher d’être parfois ombrageux et soupçonneux sans motifs, et de trop céder au premier mouvement, qui n’est pas toujours sage. Malgré cela, son courage, son zèle, son honorabilité, son dévouement au bien public, ont fait de lui l’un de nos bons gouverneurs.

Tels étaient les deux hommes avec qui Talon devait coopérer. Notre premier intendant — le premier en exercice, sinon en titre — avait essentiellement l’esprit de sa fonction. Laborieux, inquisitif, clairvoyant, ami de l’ordre et de la régularité, il se faisait remarquer par la clarté des idées, la largeur des vues, la netteté de la