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DE LA NOUVELLE-FRANCE

Dans de telles conditions, lors même que les habitants eussent été plus rapprochés les uns des autres, ils n’en auraient pas été moins exposés aux surprises sanglantes de ces barbares. Le vrai remède au mal devait venir de France, sous forme de troupes capables de refouler chez elles les hordes iroquoises, et de leur infliger un châtiment assez terrible pour les tenir désormais éloignées des rives du St-Laurent.

Cela ne veut pas dire que les avis de Louis XIV et de Colbert, relativement à la concentration des établissements, n’eussent aucune raison d’être. L’idée générale qu’ils émettaient était juste, quelle que fût leur erreur relative dans l’appréciation des circonstances présentes. Les habitations n’étaient pas aussi disséminées qu’ils le croyaient, et elles eussent été assez rapprochées si la mère-patrie se fût décidée plus tôt à protéger efficacement ses enfants canadiens. Mais il n’en restait pas moins vrai que, pour le présent et pour l’avenir, il fallait s’efforcer autant que possible de coloniser de proche en proche, de procéder par le défrichement continu, par la marche en avant graduelle et suivie, et non par bonds et enjambées ; en un mot, suivant une expression de M. Rameau, de s’étendre moins pour s’établir plus fortement. Louis XIV tenait beaucoup à cette idée[1], et pressait Talon de travailler à sa réalisation. Et pour activer le défrichement, il suggérait cet expédient : un habitant qui aurait reçu cinq cents arpents de terre, et

  1. — En 1676, il écrivait à Frontenac : « Pénétrez-vous de cette maxime qu’il vaut mieux occuper moins de territoire et le peupler entièrement que de s’étendre sans mesure et avoir des colonies faibles, à la merci du moindre accident. » — Louis XIV à Frontenac, 14 avril 1676.