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DE LA NOUVELLE-FRANCE

autres officiers, et comme la compagnie connaît assez qu’elle ne pourrait pas trouver des personnes qui eussent assez de mérite et qui fussent assez autorisées pour occuper ces postes et les remplir dignement, elle a été bien aise que le Roi fit cette nomination jusques à ce que par la continuation des bontés et de la protection de Sa Majesté cette colonie s’augmentant considérablement, la dite compagnie puisse alors par elle-même trouver des sujets propres pour y envoyer. » Tout cela faisait en ce moment au Canada une condition politique assez singulière. En droit, la compagnie des Indes avait le domaine, la seigneurie, le gouvernement du pays. En fait, le roi exerçait le pouvoir administratif, ressaisissant d’une main ce qu’il avait concédé de l’autre. En droit, la compagnie possédait la justice dans toute son étendue ; elle pouvait établir des tribunaux et elle en établit effectivement. Mais en fait, le roi nommait un intendant, juge suprême en matières civiles, et un conseil souverain, tribunal de juridiction supérieure. En droit, c’était à la compagnie qu’appartenait le pouvoir de concéder des terres et des fiefs ; en fait, c’était le gouverneur ou l’intendant, officiers du roi, qui faisaient les concessions à leur guise[1]. Ce dualisme étrange, qui dura de 1664 à 1674, est parfois déconcertant pour celui qui aborde, sans initiation suffisante, l’étude de cette époque.

Les instructions royales relataient ensuite les démêlés de M. de Mésy avec le Conseil Souverain, ses abus d’autorité, sa conduite violente, et rappelaient à Talon que,

  1. — Cependant Colbert recommanda à Talon en 1666 de les faire au nom de la compagnie.