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DE LA NOUVELLE-FRANCE

si avides de pouvoir ? Sans doute, quelques-uns d’entre eux avaient pu commettre des indiscrétions[1] ; errare humanum est. Mais après les faits positifs que nous signalons, était-il raisonnable de prétendre que les Jésuites avaient recherché l’autorité temporelle ?

Cette autre affirmation qu’ils avaient nommé les gouverneurs pour le roi n’était pas plus fondée. On ne pouvait prétendre qu’ils eussent fait nommer Champlain et Montmagny : Champlain était le père de la Nouvelle-France et n’avait besoin d’être désigné par personne ; Montmagny, chevalier de Malte, avait des intérêts et des influences dans la Compagnie des Cent-Associés, à qui appartenait le domaine du Canada. Les Révérends Pères n’avaient pas davantage déterminé la nomination de M. d’Ailleboust : celui-ci n’était pas l’homme des Jésuites, mais l’homme de la Société de Montréal. M. de Lauson s’était fait nommer lui-même, étant membre influent de la compagnie des Cent-Associés, conseiller d’État, et l’un des commissaires chargés spécialement des affaires de la Nouvelle-France. Dira-t-on qu’ils avaient choisi M. d’Argenson, qui leur était notoirement hostile, et M. d’Avaugour qui ne leur était guère connu ? Restait M. de Mésy, qui avait été recommandé, c’était un fait notoire, par Mgr de Laval. En réalité, depuis Champlain, pas un gouverneur, pas un seul, n’avait dû sa nomination à l’influence et à l’amitié des Jésuites.

  1. — Le Père de Rochemonteix nous fait voir que le Père Ragueneau, d’ailleurs admirablement doué, aimait trop à se mêler des affaires publiques et des intérêts privés des colons. Mais ses confrères étaient les premiers à l’en blâmer et à s’en plaindre. (Les Jésuites et la Nouvelle-France, vol. II, p. 184).