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JEAN TALON, INTENDANT

mon testament ait lieu, ils reconnaissent ce qui leur est ordonné et légué comme une grâce qu’elle a la bonté de leur faire, qui doit les engager à s’attacher à son service… » Parvenu au terme de sa carrière, Talon restait fidèle aux principes qui avaient gouverné sa vie. Le vieux royaliste, pénétré jusqu’aux moelles du culte monarchique, s’affirmait une dernière fois avant de mourir. On a dans ces quelques lignes la quintessence de la doctrine régalienne. L’ancien intendant, l’ancien secrétaire du cabinet, y faisait écho aux maximes formulées par le souverain lui-même. Écoutez Louis XIV : « Tout ce qui se trouve dans l’étendue de nos états, de quelque nature qu’il soit, nous appartient au même titre… Les deniers qui sont dans notre cassette, ceux qui demeurent entre les mains de nos trésoriers, et ceux que nous laissons dans le commerce de nos peuples, doivent être par nous également ménagés. Les rois sont seigneurs absolus et ont naturellement la disposition pleine et libre de tous les biens qui sont possédés aussi bien par les gens d’église que par les séculiers, pour en user en tout temps… selon le besoin général de leur état[1]. » Voilà ce que non seulement le royal professeur d’absolutisme, mais aussi toute une école de légistes césariens, proclamaient, écrivaient et enseignaient, au XVIIe siècle. Voilà ce que Louis XIV, Colbert, Letellier, Louvois, Séguier, Pontchartrain, pensaient, professaient et pratiquaient. Maximes outrées et pernicieuses, qui constituaient une dangereuse négation du droit de propriété individuelle ! Cette théorie, que l’on aurait pu

  1. Œuvres de Louis XIV, vol. II, pp. 92-121. — Henri Martin, Histoire de France, vol. 13, p. 259.