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JEAN TALON, INTENDANT

engourdi les énergies du peuple canadien. Ce reproche, qui nous paraît assez fondé lorsqu’on l’applique aux époques subséquentes, manque de justesse quand il s’agit de l’administration de Talon. À ce moment, la politique de protection intense, de subvention continue, d’initiative vigoureuse par le gouvernement, dans la plupart des cas, s’imposait avec une impérieuse nécessité. Tout était à faire ; et les colons canadiens se trouvaient dans des conditions tellement spéciales que l’intervention royale, en 1665, la Nouvelle-France était voué à la ruine. Talon multiplia les encouragements et les secours ; mais en même temps, il ne négligea rien pour stimuler les efforts individuels. Si Louis XIV eut fait continuer jusqu’en 1700 l’œuvre féconde que cet homme éminent avait poursuivie au Canada de 1665 à 1672, le pays aurait alors acquis assez de force pour marcher seul et trouver en lui-même ses éléments d’avancement et de progrès.

Malheureusement le grand règne entrait dans une phase nouvelle et funeste. En 1672, Louis XIV, cédant à une ambition mal inspirée, s’engageait dans la déplorable guerre de Hollande[1], qui allait bientôt lui mettre sur les bras une partie de l’Europe, et devait être suivie, à de courts intervalles, par la guerre contre la ligue d’Augsbourg, et par celle de la succession d’Espagne. Sans doute l’avenir lui réservait encore bien des jours de triomphe. Mais les victoires de Condé, de Turenne, et de Luxembourg, les lauriers de Senef, de Turckeim, de Fleurus et de Nerwinde, devaient coûter à la France beaucoup d’or et de sang dont la perte l’appauvrit et l’épuisa. Le

  1. — La déclaration de guerre est datée du 6 avril 1672.