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DE LA NOUVELLE-FRANCE

stipulation qu’ils tiendraient feu et lieu sur leur domaine, et que leurs tenanciers seraient astreints à tenir également feu et lieu sous peine de déchéance, il espérait faire surgir sur les deux rives du St-Laurent une foule d’établissements agricoles qui deviendraient prospères et populeux. L’intérêt des seigneurs serait d’attirer des colons sur leurs terres, d’avoir le plus de tenanciers possible, pour augmenter le petit revenu de leurs rentes et de leurs droits seigneuriaux. Aiguillonné par le désir légitime d’accroître ses ressources et de léguer à sa famille une situation meilleure, chaque titulaire de fief deviendrait un agent de colonisation mû par les plus puissants mobiles qui puissent influencer les hommes.

Certains écrivains, saisis d’horreur au mot de féodalité, n’ont pas voulu pousser plus avant, et se sont répandus en déclamations puériles contre un système dont ils n’avaient pas étudié le fonctionnement. En dépit de leurs tirades, nous sommes d’avis que l’idée de Talon était juste. L’institution seigneuriale au Canada a été pendant plus d’un siècle une source de force et de progrès. « Le seigneur, a écrit M. Rameau, n’était, à vrai dire, que l’entrepreneur du peuplement d’un territoire donné, et le bénéfice qui lui était accordé était loin d’être excessif ; il fallait pour tirer partie de sa seigneurie, qu’il y attirât des colons, et il était lié à sa colonie, non par l’intérêt transitoire d’un homme une fois payé, comme le spéculateur, mais par celui d’une rente et de droits perpétuels ; il avait donc des motifs puissants pour bien choisir son personnel et soutenir ses colonies dans leur établissement, par son bon vouloir sous toutes les formes, conseils, direction, et même secours matériels… Les seigneurs du Canada ont donc