Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/448

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
436
JEAN TALON, INTENDANT

blement le syndic, qui présente des requêtes au nom de tous les habitants, étant bon que chacun parle pour soi et que personne ne parle pour tous[1]. » La maxime énoncée dans les derniers mots de cette citation résumait tout un programme. Cette formule énergique et concise : « que chacun parle pour soi et que personne ne parle pour tous, » éclairait d’une vive lumière la politique du moment. Ce que voulait Louis XIV, ce que voulaient les légistes césariens, c’était qu’il n’y eût rien, aucun corps, aucune forme de représentation, aucun intermédiaire entre le roi et les sujets, entre le pouvoir et les particuliers, entre l’État et l’individu. Erreur funeste, dont les conséquences devaient être désastreuses pour la monarchie !

Le temps qui s’écoula depuis l’arrivée du nouveau gouverneur jusqu’au départ de l’intendant fut trop court pour qu’il se produisît entre eux des conflits. Frontenac laissa le champ libre à Talon jusqu’à la dernière minute : « Je me suis conformé, écrivait-il, en tout ce qui concerne les affaires de ce pays, aux conseils et aux lumières que M. Talon m’a voulu donner[2]. » Mais certains passages de sa lettre du 2 novembre indiquent bien qu’il ne se serait pas facilement résigné à laisser Talon jouer le rôle prédominant qui avait jusqu’ici été le sien. On peut en juger par cette citation : « On avait toujours accoutumé de faire au Conseil Souverain tous les règlements généraux de police qui regardaient le bien et la conservation de la colonie. Cependant par les arrêts du Conseil d’État qu’on a envoyés à M. Talon depuis mon départ,

  1. Lettres, Instructions, etc., 3, II, p. 558.
  2. Frontenac à Colbert, 2 nov. 1672. — Arch. prov., Man. N.-F., 1ère série, vol. II.