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JEAN TALON, INTENDANT

trois personnages, dont le début tint de la comédie, mais dont le dénouement fut tragique. Le matin, Fouquet soumettait au roi des états frauduleux, des chiffres groupés avec un art trompeur, et le soir Colbert, plume en main, rectifiait les exposés fallacieux, rétablissait les réalités dissimulées, et culbutait l’échafaudage d’impostures édifié par le ministre infidèle[1]. De ces conférences secrètes de Louis XIV avec Colbert, naquirent le crédit de ce dernier et la disgrâce éclatante de Fouquet. Celui-ci fut arrêté soudain, à Nantes, dix-huit jours après avoir donné en l’honneur du roi, dans sa princière résidence de Vaux, une fête, dont le faste inouï et insensé combla la mesure du mécontentement royal.

On sait ce qui suivit. Au mois de décembre 1661 Louis XIV institua une chambre de justice composée, du chancelier Séguier, du premier président Lamoignon et de vingt-six conseillers d’État, maîtres des requêtes et conseillers aux divers parlements. Ce tribunal extraordinaire fit le procès de Fouquet, qui fut condamné au bannissement, peine commuée singulièrement par Louis XIV en une détention perpétuelle[2]. La charge de surintendant des finances fut abolie, et un conseil royal des finances fut créé. Il était composé du maréchal de Villeroy, de Colbert et de deux autres conseillers d’État. L’autorité et l’influence de Colbert y furent prépondé-

  1. Mémoires de l’abbé de Choisy. Collection Petitot, 2ème série, vol. 63, p. 235.
  2. — Outre le procès Fouquet, la chambre de justice procéda à des informations contre beaucoup de traitants, de financiers, de fonctionnaires infidèles, qui s’étaient enrichis aux dépens de l’État.