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JEAN TALON, INTENDANT

résister ni au climat ni à la culture de la terre, et qu’il serait plus avantageux d’y envoyer des jeunes villageoises qui fussent en état de supporter la fatigue qu’il faut essuyer dans ce pays. Comme il s’en pouvait trouver dans les paroisses aux environs de Rouen… j’ai cru que vous trouveriez bon que je vous suppliasse d’employer l’autorité et le crédit que vous avez sur les curés de trente ou quarante de ces paroisses, pour voir s’ils pourraient trouver en chacune une ou deux filles, disposées à passer volontairement au Canada pour y être établies[1]. » N’y avait-il pas là un ensemble de garanties absolument satisfaisantes ? Les filles venues ici pour se pourvoir étaient des orphelines élevées dans des maisons religieuses, ou appartenaient à d’excellentes et honnêtes familles, ou encore étaient choisies par les curés de Normandie. Des personnes comme madame Bourdon ou mademoiselle Étienne les dirigeaient et les surveillaient durant le voyage. À leur arrivée, si elles tardaient un peu à se marier, on les plaçait dans des familles respectables. Que veut-on de plus ? Et en présence de tous ces faits authentiquement prouvés, quelle figure font les racontages stupides du gascon La Hontan[2] ?

Nous avons vu dans un précédent chapitre qu’un arrêt avait été rendu pour encourager les mariages. Talon en accentua la portée de la manière suivante. Il

  1. Lettres, Instructions, etc., 3, II, p. 476.
  2. Nouveau voyage du baron de Lahontan dans l’Amérique septentrionale, 1703, vol. I, p. 11. Cet écrivain plus que fantaisiste a eu l’audace d’écrire que les soldats de Carignan s’établirent ici avec des filles de joie.