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DE LA NOUVELLE-FRANCE

faudrait doubler la dépense si on était réduit à ce qu’ils désirent. Les denrées servent encore utilement à faire des échanges pour du blé, et c’est à cet usage que j’en ai envoyé dans quelques côtes pour y être distribuées aux habitants éloignés de Québec, afin que, trouvant chez eux les choses qui leur sont besoin, ils ne soient pas obligés, pour les venir quérir au dit Québec, d’abandonner leur famille durant trois jours et quatre même, et afin aussi que les blés que l’on reçoit en paiement se puissent transporter ici par un seul bâtiment. Je traite et j’explique cet article parce que j’ai été informé qu’un marchand de La Rochelle s’est plaint à M. de Terron que je me mêlais trop du commerce et que j’avais des magasins établis en Canada. J’ajoute que si j’y en avais pas eu, plusieurs des établissements ou commencés ou achevés seraient entièrement tombés et quelques gens ne demanderaient pas mieux »[1]. Au résumé, Talon ne niait pas précisément le fait qu’on lui reprochait ; mais il affirmait agir uniquement pour l’utilité publique et le service du roi. Colbert l’approuva catégoriquement : « Vous avez raison, lui écrivit-il, de dire que les dépenses augmenteraient considérablement si le roi faisait passer en espèces les fonds qu’il fait pour le soutien et l’augmentation de la colonie, et, quelque chagrin que les marchands témoignent des denrées, ustensiles et autres choses en quoi l’on convertit les dits fonds, il est bien important de continuer à envoyer des denrées et de tenir toujours l’argent en dedans du royaume[2]. »

  1. Talon à Colbert, 10 nov. 1670. — Arch. prov. Man. N.-F., 1ère série, vol. I.
  2. Colbert à Talon, 11 février 1671 ; Lettres, Instructions, etc., 3, II, p. 517.