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JEAN TALON, INTENDANT

âgé de vingt-trois ans et altéré de gloire, inaugurait son grand règne en s’appliquant sérieusement au métier de roi, et appuyait de son autorité désormais absolue les mesures réformatrices et progressives suggérées par Colbert, que lui avait légué le cardinal-ministre. Au lendemain du jour où ce dernier était descendu dans la tombe, le jeune monarque avait affirmé sa volonté de gouverner lui-même. Ayant convoqué le conseil d’État, composé de M. le chancelier Séguier, du surintendant Fouquet, des secrétaires d’État LeTellier, de Lionne, Brienne, Duplessis-Guénegaud et la Vrillière, il s’était exprimé comme suit, en s’adressant d’abord au chancelier : « Monsieur, je vous ai fait assembler avec mes ministres et mes secrétaires d’État pour vous dire que jusqu’à présent, j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu M. le cardinal ; il est temps que je les gouverne moi-même ; vous m’aiderez de vos conseils quand je vous les demanderai. Hors le courant du sceau auquel je ne prétends rien changer, je vous prie et ordonne, monsieur le chancelier, de ne rien sceller en commandement que par mes ordres et sans m’en avoir parlé, à moins qu’un secrétaire d’État vous les porte de ma part… Et vous, Messieurs, » — s’adressant aux secrétaires d’État, — « je vous défends de rien signer, pas même une sauvegarde ou un passe-port, sans mon consentement, de me rendre compte chaque jour à moi-même, et de ne favoriser personne dans vos rôles du mois. Monsieur le surintendant, je vous ai expliqué mes intentions ; je vous prie de vous servir de M. Colbert que feu M. le cardinal m’a recommandé.[1] »

  1. Histoire de France, par Guizot, vol. 4, p. 248.