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JEAN TALON, INTENDANT

terre. Or chaque arpent d’abatis rendait de vingt à vingt-quatre barriques de cendres qui, remises au magasin de potasse établi sur le bord du fleuve pour en faciliter le transport, étaient payées à raison de quarante sous ou deux francs la barrique, ce qui compensait et au delà la dépense du défrichement[1]. Cette industrie était donc très avantageuse pour nos habitants et nos journaliers. Cependant la suite ne répondit pas aux débuts. On finit par constater que Follin n’avait pas toute la compétence nécessaire, et après le départ de Talon l’entreprise périclita.

Quant à la fabrication du goudron, l’intendant tenait d’autant plus à ce que cette industrie pût réussir ici, qu’il connaissait les vues de Colbert à ce sujet. Pour ce produit si essentiel à la marine, comme pour beaucoup d’autres, ce ministre patriote voulait que la France se passât des étrangers. Il avait fait venir d’habiles ouvriers qu’il établit dans la Provence et le Médoc ; et comme certains intendants semblaient peu favorables à cette innovation, il affirma nettement sa volonté : « Je ne veux point, écrivait-il, faire venir du goudron de Hollande, étant persuadé que, si l’on veut s’appliquer à le faire aussi bien que celui du Nord, on peut y réussir. S’il y a quelque dépense à faire pour cela, je la ferai volontiers, n’y ayant rien de si important pour notre marine que de nous mettre en état de nous passer des manufactures étrangères, et particulièrement de celle-ci, dont il se fait une si grande consommation dans nos ports[2]. » Quelle joie pour Colbert, s’il pouvait tirer de

  1. Mémoire sur le Canada, par Talon, 1673 ; Collection de Manuscrits, p. 241.
  2. Histoire de Colbert, I, p. 408.