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DE LA NOUVELLE-FRANCE

établissement[1]. » Cette industrie promettait beaucoup. Les premiers échantillons de la potasse canadienne furent jugés excellents, soit employés seuls pour lessiver le linge, soit convertis en savons mous pour descruer les soies et dégraisser les draps. On pouvait en fabriquer ici des quantités assez considérables pour permettre à Paris de se passer des soudes d’Espagne, dont cette capitale faisait une énorme consommation. Il y avait même lieu d’espérer que Douai, Lille, Tournai, Courtrai et autres villes de Flandre, de même que celles de France qui blanchissaient les draps, pourraient dorénavant se passer des potasses de Moscovie, et de la vedasse de Cologne, qui fortifiaient le commerce des Hollandais, lesquels faisaient de cette matière une partie de leurs retours lorsqu’ils portaient leurs épiceries et leurs castors en ces contrées. La potasse canadienne devait être d’autant mieux reçue à Paris, que la soude d’Espagne, âcre et caustique, brûlait le linge, ce que l’on évitait avec la potasse.

On voit que cette fabrication était très utile à l’ancienne France qu’elle affranchissait du tribut payé à l’Espagne pour ses soudes. Elle ne l’était pas moins à la nouvelle, car elle mettait les colons, les gens de peine, à même de réaliser un gain très appréciable, soit en coupant, soit en brûlant les bois. Elle encourageait les habitants à défricher incessamment leurs terres, parce qu’elle leur fournissait le moyen de payer aussitôt leurs dépenses. En effet on évaluait à quarante francs le coût du défrichement d’un arpent de

  1. Colbert au sieur Follin, 13 juin 1673 ; Lettres, Instructions, etc., 3, II, p. 560.