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DE LA NOUVELLE-FRANCE

faire. » Colbert répondit, le 4 mai 1672 : « Sa Majesté ne veut pas que l’on y sème de tabac, d’autant que cela n’apporterait aucun avantage au pays, qui a beaucoup plus besoin de tout ce qui peut porter les habitants au commerce et à la navigation, aux pêches sédentaires et aux manufactures, et que la culture de cette herbe serait préjudiciable aux îles de l’Amérique. » L’avis n’était pas mauvais en soi, mais la défense catégorique nous fait toucher du doigt l’un des défauts du régime connu sous le nom de colbertisme : l’intervention excessive de l’administration dans le travail ou l’industrie des individus. On trouverait fort étrange, de nos jours, qu’il fût interdit de planter du tabac sans la permission du roi.

Après son retour, en 1670, Talon s’appliqua spécialement à établir des fabriques de potasse et de goudron. Durant son séjour accidentel à Lisbonne, en 1669, il avait connu un marchand qui s’était souvent entretenu avec M. de St-Romain, ambassadeur de France en Portugal, des avantages que procurerait l’établissement de potasseries au Canada. Il détermina ce négociant à passer en France afin de soumettre ce projet à Colbert, qui l’agréa. Mais comme ce marchand ne pouvait alors quitter ses affaires, le ministre entra en pourparlers avec un sieur Nicolas Follin et lui fit accorder un privilège pour la fabrication de la potasse et des « savons mols » en la Nouvelle-France[1].

Cet industriel affirmait qu’il avait appris le secret de faire la potasse comme en Moscovie, et le savon mou comme en Hollande. Sa potasse, disait-il, blanchissait

  1. Extrait d’un mémoire pour l’établissement des manufactures de potasse ; Collection de documents, I, p. 328.