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DE LA NOUVELLE-FRANCE

pour que les femmes et les filles apprissent à filer. « On veut, écrivait la Mère de l’Incarnation, que nous l’apprenions à nos séminaristes, tant françaises que sauvages, et on nous offre de la matière pour cela. » On employait l’ortie à faire certaines toiles fortes. Talon distribua des métiers dans les habitations et bientôt l’on eut des droguets, des serges, des étamines, des draps, de fabrication canadienne. Le grand nombre de bestiaux fournissait beaucoup de cuirs. L’intendant établit une tannerie[1] afin qu’on pût utiliser les peaux pour la fabrication des chaussures. En un mot il ne négligea rien pour faire naître et se développer les industries les plus nécessaires à la colonie. Ses efforts ne furent pas infructueux. Il écrivait avec une légitime fierté le 2 novembre 1671 : « J’ai fait faire cette année, de la laine qu’ont portée les brebis que Sa Majesté a fait passer ici, du droguet, du bouracan, de l’étamine, de la serge de seigneur ; on travaille des cuirs du pays près du tiers de la chaussure[2], et présentement j’ai des productions du Canada de quoi me vêtir du pied à la tête. Rien en cela ne me parait plus impossible, et j’espère qu’en peu de temps le pays ne désirera rien de l’ancienne France que très peu de chose du nécessaire à son usage, s’il est bien administré[3]. »

  1. — Talon avait fait un fonds de 3000 livres pour l’érection d’une tannerie, (où il y avait déjà des cuirs en 1669), et de 2000 livres pour le moulin du fort St-Louis. Ces deux constructions en coûtèrent 9000. (Lettre de Patoulet à Colbert, 11 nov. 1669 ; Arch. féd., Canada, oorr. gén., vol. III).
  2. — C’est-à-dire que le cuir canadien suffisait au tiers des chaussures consommées ici.
  3. Mémoire sur le Canada et l’Acadie, 2 nov. 1671 ; Arch, féd., Canada, corr. gén., vol. III.