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DE LA NOUVELLE-FRANCE

trop pondéré pour ne pas voir que le Canada, avec sa population restreinte, devait s’abstenir des établissements lointains. Sa politique d’explorations et de découvertes visait, non pas la fondation immédiate de nouvelles colonies, mais l’accroissement de notre prestige, l’extension de notre commerce, et la préparation de nos agrandissements futurs. C’était une politique à longue portée, qui, ne prétendant point réaliser soudainement des progrès impossibles, posait des pierres d’attente et des jalons pour l’avenir.

Quelle était l’attitude de Courcelle devant toutes ces démarches, toutes ces initiatives, toutes ces entreprises de Talon ? Évidemment celui-ci semblait parfois jouer le rôle de gouverneur aussi bien que celui d’intendant. Et le vrai gouverneur, se voyant éclipsé, manifestait son mécontentement et essayait d’affirmer son autorité trop oubliée. Il y mettait sans doute de l’impatience et de l’aigreur. La correspondance de Talon avec Colbert à partir de 1670, contient plus d’une trace de ce désaccord. Le 10 novembre de cette année, l’intendant écrit : « Après avoir rendu au roi le témoignage que je dois sur les services de M. de Courcelle, qui partent à la vérité d’un bon fond et sont accompagnés de zèle, je dois dire que sa sensibilité sur l’autorité me fait perdre et retarder quelquefois les avantages que je voudrais bien procurer à la colonie. Il semble qu’il ait quelque jalousie de la créance que vous avez la bonté de me donner et de la confiance que vous témoignez prendre en ma conduite. Il semble aussi qu’il prenne quelque peu de chagrin quand je ne suis pas ses mouvements. Cet endroit me fait quelque peine ; je la surmonterai cependant, et je continuerai de lui donner mes avis sur