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JEAN TALON, INTENDANT

frent pas qu’elles s’étendent, qu’en même temps elles ne donnent lieu de les traiter en usurpateurs et leur faire la guerre. Et c’est en vérité ce que par toutes leurs actions, elles témoignent beaucoup craindre. Elles connaissent déjà que le nom du roi est si répandu dans toutes ces contrées parmi les sauvages que seul il y est regardé comme l’arbitre de la paix et de la guerre. Toutes se détachent insensiblement des autres Européens, et, à l’exception des Iroquois, dont je ne suis pas encore assuré, on peut presque se promettre de faire prendre les armes aux autres quand on le désirera[1]. »

Ces vues pleines d’ampleur cadraient-elles parfaitement avec les idées personnelles de Colbert ? On peut en douter lorsqu’on lit les lignes suivantes que celui-ci écrivait à Frontenac en 1674 : « L’intention de Sa Majesté n’est pas que vous fassiez de grands voyages en remontant le fleuve Saint-Laurent, ni même qu’à l’avenir les habitants s’étendent autant qu’ils l’ont fait par le passé ;… elle estime bien plus convenable au bien de son service de vous appliquer à bien faire défricher et bien habiter les endroits les plus fertiles, les plus proches des côtes de la mer et de la communication avec la France, que non pas de pousser au loin des découvertes au dedans des terres de pays si éloignés qu’ils ne peuvent jamais être habites ni possédés par des Français[2]. » Nous n’entendons point contester la sagesse de cette direction. Colbert avait raison de combattre l’éparpillement et de prêcher la concentration. Mais Talon lui-même n’y eût pas contredit. Il était

  1. Talon au roi, 2 nov, 1671. — Arch. prov., Man. N. F. 1ère série, vol. I.
  2. Lettres, Instructions, etc., 3, II, p. 578.