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DE LA NOUVELLE-FRANCE

était comme elle est encore un poison mortel, une drogue fatale et meurtrière. C’est pour cette raison que nos gouvernements en interdisent absolument la vente dans les Territoires où sont cantonnés aujourd’hui les restes misérables des tribus aborigènes[1]. Cette rigueur de nos lois actuelles n’est-elle pas la plus éclatante justification de Mgr de Laval et de ceux qui soutenaient sa courageuse attitude ?

En second lieu, l’interdiction de la traite de l’eau-de-vie ne devait point avoir véritablement les inconvénients matériels dont on essayait de faire un épouvantail. On pouvait commercer avec les Outaouais, les Algonquins, les Iroquois, sans l’appât de l’alcool. Les sauvages eux-mêmes comprenaient fort bien que l’eau-de-vie les ruinait. « Nous aurions eu tous les Iroquois, écrivait M. Dollier de Casson, supérieur du séminaire de St-Sulpice, s’ils ne voyaient qu’il n’y a pas moins de désordres ici que dans leur pays, et que même en ce point nous surpassons les hérétiques. L’ivrogne se laisse aller à la tentation de boire quand il a la boisson présente ; mais quand il voit après l’ivrognerie, qu’il est tout nu et sans armes, le nez mangé, estropié et tout massacré de coups, il enrage contre ceux qui l’ont mis en cet état ».

  1. — « Celui qui vendra, échangera, troquera, fournira ou donnera à un sauvage… quelque substance enivrante… sera, sur conviction par voie sommaire devant un juge, un magistrat de police, un magistrat stipendiaire ou deux juges de paix, passible d’un emprisonnement d’un mois au moins ou de six mois au plus, avec ou sans travail forcé, ou d’une amende de cinquante piastres à trois cents piastres, avec les frais de la poursuite, ou des deux peines d’amende et de l’emprisonnement, à la discrétion du juge. » (Statuts révisés du Canada, 1886, vol. I, p. 713).