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JEAN TALON, INTENDANT

étaient le résultat. En 1660, le mal était devenu si grand que Mgr de Laval, dans l’exercice de son devoir pastoral, crut devoir prendre une mesure énergique. Il lança l’excommunication contre ceux qui faisaient, malgré les ordonnances, la traite de l’eau-de-vie. Cet acte épiscopal eût enrayé le fléau, si deux ans plus tard M. d’Avaugour, par un coupable travers de jugement, n’eût ouvert la porte à de nouveaux excès[1]. Mgr de Laval passa en France, obtint le rappel de M. d’Avaugour, et, malgré d’assez vives objections, réussit à faire maintenir les défenses antérieures.

Le 28 septembre 1663, le Conseil Souverain rendit une ordonnance par laquelle il était rigoureusement interdit « de traiter ni donner directement ou indirectement aucunes boissons enivrantes aux sauvages, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit, pas même un coup, sur peine pour la première fois de trois cents livres d’amende applicables, le tiers aux dénonciateurs, le tiers à l’Hôtel-Dieu, et l’autre tiers au fisc, et, en cas de récidive, du fouet ou du bannissement[2].

Le 6 décembre 1667, à la séance même où le Conseil Souverain fut réorganisé par M. de Tracy, cette compagnie, sur la proposition du procureur général Bourdon, réitéra la défense de donner ou traiter aux sauvages,

  1. — Une femme de Québec, surprise contrevenant aux règlements et débitant du vin à des sauvages, fut conduite en prison par l’ordre du gouverneur. Pressé par la famille de la délinquante, le P. Lalemant, recteur du collège, alla demander sa grâce et tâcha de l’excuser. M. d’Avaugour lui répondit avec brusquerie : « Puisque ce n’est pas une faute punissable pour cette femme, elle ne le sera plus pour personne. » Il tint parole. (Ferland, II, p. 481).
  2. Édits et Ordonnances, II, p. 6.